OPEN ACCESS
Les articles de ce numéro spécial de la Revue des Composites et des Matériaux Avancés sont issus de textes sélectionnés par un comité d’experts, parmi 78 communications, lors de la 1re Conférence euromaghrébine des biocomposites. Cette manifestation internationale a été organisée dans le cadre du Réseau Euromaghreb BioComposites1 par les universités de Reims Champagne-Ardenne et Cadi Ayyad de Marrakech, les 28 et 29 mars 2016 à Marrakech (Maroc).
La réduction des impacts environnementaux, la valorisation des ressources renouvelables (locales ou non) et la gestion en fin de vie des structures et matériaux concernent tous les pays. Le croisement des regards sur ces questions est indispensable car les sujets sont complexes. Il n’existe pas de réponse unique mais de nombreuses voies à explorer.
Un des objectifs de ce numéro est d’apporter un éclairage sur la spécificité des biocomposites liée aux différentes échelles d’observation (micro, méso et macro) et aux interactions entre les éléments constitutifs. Il est important de souligner qu’un matériau ne devient intéressant que dans la mesure où un savoir-faire lui est associé, à la fois pour le mettre en oeuvre mais également pour le penser en tant que ressource renouvelable. De ce fait, il n’acquiert un intérêt que s’il est possible d’en faire une pièce industrielle innovante, économiquement viable et respectant le développement durable. Les biocomposites s’inscrivent dans cette réalité et ce numéro a pour mission non pas simplement de décrire un matériau et quelques-unes de ses propriétés remarquables, mais d’aborder quelques méthodes d’investigation et d’analyse adaptées aux immenses ressources naturelles disponibles.
L’étendue des thèmes abordés par l’ensemble des contributions a mis en perspective la nécessité de recourir simultanément à diverses disciplines scientifiques (physique, mécanique, chimique, biologique) tant du point de vue de l’approche expérimentale (caractérisation) que de celle de la modélisation comportementale (analytique ou numérique).
Ce travail est le fruit d’investigations scientifiques de qualité, sur des produits biosourcés couvrant un spectre géographique large en matière de présence de fibres naturelles, allant de l’Europe de l’ouest, avec notamment la France, aux trois pays du Maghreb : Algérie, Maroc et Tunisie. Il recouvre diverses thématiques, allant du traitement de la ressource renouvelable à la fin de vie, en passant par l’élaboration et le traitement des renforts, la mise en oeuvre de biopolymères et de biocomposites, leurs caractérisations physico-chimique, thermomécanique, rhéologique, leur modélisation multi-échelle et leur valorisation industrielle. Les renforts proposés aux différentes études sont des fibres de lin, de chanvre et d’écorce de tournesol tous originaires d’Europe, mais également des fibres d’Alfa, de palmiers dattiers ou de grignons d’olives tous originaires du Maghreb. Les matrices utilisées sont d’origine synthétique ou biobasées à partir d’amidon ou d’huile de ricin (polyamide 11).
Nous présentons brièvement les douze contributions qui constituent ce numéro.
Moussa et al. proposent d’utiliser un liant végétal à base d’amidon extrait du blé avec de la chènevotte pour former une solution de biocomposite prometteuse dans le domaine de l’isolation thermique.
L’article de Behlouli et al. propose de valoriser des chutes de composites non tissés PP/fibres de lin par broyage, puis d’introduire les fractions broyées dans un non-tissé en cours de fabrication. Il met en exergue un bon comportement en flexion du biocomposite final. En outre, des compounds à partir de broyats sont aussi valorisés par injection. Ce travail illustre la notion de seconde vie des matériaux. Le recyclage permet d’obtenir des biocomposites à propriétés mécaniques améliorées (traction, choc).
Toujours dans le domaine de la valorisation, Mahieu et al. ont élaboré des panneaux composites, à partir de résidus agricoles composés d’anas de lin et d’écorce de tournesol. Ils proposent une démarche de mise en oeuvre adaptée en fonction de la nature de l’agroressource utilisée. Leurs panneaux 100 % biosourcés présentent de bonnes propriétés d’isolation thermique.
El Boustani et al. ont mis au point un procédé d’acétylation de fibres de lin et de pâtes de bois, respectueux de l’environnement et moins énergivore. Ces fibres lignocellulosiques ont fait l’objet d’étude concernant leur stabilité thermique et leur mouillabilité, pour évaluer leur affinité avec notamment des résines époxy utilisées fréquemment dans les composites. Leur hydrophilie a diminué avec la durée de la réaction d’acétylation et la présence des groupements acétyles à la surface des fibres a amélioré leur interaction avec la résine époxy : une projection prometteuse vers des applications pratiques dans le domaine des composites.
En proposant une voie d’amélioration de l’interface granulats de chènevotte/liant minéral, Page et al. ont élaboré un béton de chanvre à propriétés mécaniques améliorées grâce notamment à une modification spécifique du liant avec un viscosant.
Dans le domaine des vibrations des structures composites, pour tirer bénéfice des propriétés amortissantes des fibres végétales, Cheour et al. proposent une méthodologie d’évaluation de l’amortissement de composites tissés à base de lin.
Basée sur une analyse modale expérimentale combinée à une modélisation par éléments finis, cette démarche révèle pour le stratifié lin/époxyde, des propriétés mécaniques spécifiques comparables à celles du stratifié verre/époxyde, mais avec un meilleur pouvoir amortissant.
Investis dans le développement de matériaux biosourcés ou compostables pour le secteur de l’emballage, Abinader et al. ont élaboré des mousses de calage à base d’amidon par extrusion réactive, qu’ils ont caractérisées en absorption, amortissement et transmission de choc, avec ou sans vieillissement hygrothermique. Une optimisation des mousses par ajout de fibres naturelles et de biopolymères a permis d’aboutir à des calages à pouvoir amortissant comparable aux mousses classiques d’origine pétrochimique.
Dans le domaine de la modélisation comportementale des composites, Bouhamida et al. proposent via des simulations de type Monte-Carlo une analyse probabiliste d’un composite unidirectionnel présentant la rupture d’un renfort en fibres végétales d’Alfa espacées de manière irrégulière. Cette analyse a pour vocation d’évaluer l’effet des incertitudes géométriques et mécaniques sur l’évolution de la concentration des contraintes dans les fibres.
Tagoubi et al. ont élaboré un biopolymère à base d’amidon qu’ils ont renforcé par des anas de lin en vue de mettre en oeuvre un biocomposite biodégradable amidon plastifié/lin. Ils ont utilisé un procédé d’extrusion à écoulements élongationnels offrant une mesure directe des propriétés rhéologiques des mélanges. Par des analyses classiques de type DRX, ATG et DMA, les auteurs ont étudié l’évolution des propriétés structurales, morphologiques, et thermomécaniques des biocomposites obtenus à différentes teneurs en fibres de lin.
Un autre biopolymère souvent associé à des fibres longues de lin, le polyamide 11 (PA11), est utilisé par Destaing et al. sous forme de film et de poudre. Afin de choisir le mode d’utilisation du biopolymère et optimiser les paramètres de mise en oeuvre de composites biosourcés, une étude comparative des propriétés thermiques, rhéologiques, physiques, mécaniques et hygrothermiques est proposée.
Qualifiée par le comité d’étude de contribution transversale mais passionnante, Meddich et al. proposent de valoriser des déchets d’origine végétale (palmiers dattiers, grignons d’olive…) et industrielle (boues de lavage des phosphates naturels) dans le domaine de l’agronomie. Des paramètres physicochimiques tels que la température, le pH, le carbone organique, l’azote et les taux de cendres ont été mesurés à différents stades du compostage afin d’évaluer la biodégradation des déchets. Les auteurs ont testé les composts produits et leur effet sur la croissance du palmier dattier entre autres, et mentionnent que des faibles doses de compost pourraient être bénéfiques pour la biomasse des plantes.
Dans le domaine du textile technique, Jaouani et al. proposent de transformer en énergie électrique le rayonnement solaire, grâce notamment à un tissu intelligent constitué de fibres de coton mais intégrant des cellules photovoltaïques organiques flexibles. Le coton est choisi entre autres pour sa bonne perméabilité, sa biodégradabilité et sa souplesse.
Nous remercions chaleureusement les relecteurs qui nous ont grandement aidés dans le processus de réalisation de ce numéro spécial.
REZAK AYAD
LISM, Université de Reims Champagne Ardenne
CHRISTOPHE BALEY
IRDL, Université de Bretagne Sud
MALK BENZEGGAGH
COMAC, Gagny
COMITÉ DE LECTURE DU NUMÉRO
ASSARAR Mustapha – Université de Reims Champagne-Ardenne, Troyes, France
BALEY Christophe – Université de Bretagne-Sud Lorient, France
BOURMAUD Alain – Université de Bretagne-Sud Lorient, France
BRADAI Chedly – Ecole Nationale d’Ingénieurs de Sfax, Tunisie
BENZEGGAGH Malk – COncept MAtériaux Composites Gagny, France
KADDAMI Hamid – Université Cadi Ayyad Marrakech, Maroc
KEBIR Hocine – Université de Technologie de Compiègne, France
LACOSTE Catherine – Université de Reims Champagne-Ardenne, Reims, France
SCIDA Daniel – Université de Reims Champagne-Ardenne, Troyes, France
GOMINA Moussa – École Nationale Supérieure d'Ingénieurs de Caen, France
HECINI Mabrouk – Université Mohamed Khider Biskra, Algérie
BEHLOULI Karim – Eco-Technilin, Valliquerville, France
AMZIANE Sofiane – Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, France
SAOUAB Abdelghani – Université du Havre, France
PLACET Vincent – Université Franche-Comté, Besançon, France
POILANE Christophe – Université de Caen Normandie, Alençon, France
SONEBI Mohamed – Queen's University Belfast, Belfast Northern Ireland, UK