OPEN ACCESS
Parmi les nombreuses applications possibles de l’intelligence artificielle, ou IA, les jeux informatisés constituent un terrain d’expérimentation pratique et efficace pour le développement de méthodes et techniques innovantes. Par jeu informatisé, nous comprenons tous jeux pouvant être joués sur un ordinateur ou une machine : jeux vidéo, jeux plateau comme les échecs ou le go, jeux sérieux, etc. Outre le côté ludique, les jeux informatisés proposent des environnements simplifiés par rapport au monde réel, mais aux règles toutefois suffisamment riches pour poser des problèmes scientifiquement pertinents : compréhension d’un environnement dynamique, extraction de connaissances, prise de décision à partir d’informations souvent incomplètes, planification d’actions, recherche de chemin, coopération, apprentissage de comportement crédible souhaité, optimisation, etc. Ces problèmes sont communs avec d’autres domaines applicatifs tels que la robotique, mais les jeux informatisés offrent une plus grande flexibilité : grâce à leur caractère dématérialisé, ce sont des environnements peu chers, transportables, sans besoin de maintenance, et où l’écoulement du temps peut être accéléré à loisir.
Ces dernières années, nous voyons se développer dans la recherche académique et industrielle une grande accélération des avancées en IA où les jeux constituent un environnement d’étude privilégié : citons AlphaGo de Google DeepMind qui domine maintenant les grands maîtres au jeu de Go en réussissant une habile coopération entre méthodes de Monte Carlo Tree Search et de Deep Reinforcement Learning ; citons aussi DeepStack et Libratus qui battent des professionels au poker, jeu où le caractère incomplet de l’information rend très difficile la conception d’un agent autonome efficace. Cette effervescence de l’IA autour des jeux est confirmée par le nombre croissant de conférences académiques accueillant des compétitions d’IA autour de jeux, mais aussi par l’explosion de plate-formes disponibles pour développer des agents autonomes dans des jeux. Ces plate-formes sont bien souvent développées par de grands groupes dont le jeu n’est pourtant pas le coeur de métier, tel que Minecraft Malmö (Microsoft Research), Universe (Open AI), TorchCraft (Facebook), et bientôt une API pour StarCraft 2 (Blizzard Entertainment - Google DeepMind).
Ce numéro spécial de la Revue d’Intelligence Artificielle expose des travaux et directions de recherche en cours dans le domaine de l’IA des jeux informatisés, et met en perspective les enjeux auxquels cette recherche sera confrontée dans les années à venir. Nous avons reçu 9 soumissions et retenu 4 contributions après relecture, balayant un large spectre de ce qui peut être fait en IA des jeux.
Après avoir exposé l’état de l’art des IA de bridge, la première contribution présente les travaux effectués autour de la recherche de meilleures graines aléatoires dans le cadre du bridge. La deuxième contribution propose un algorithme innovant, MAC-UCB, pour résoudre des problèmes de satisfaction de contraintes stochastiques modélisant un grand nombre de jeux de plateau. Ces deux contributions présentent des travaux aboutissant à des agents autonomes, Wbridge5 248 RIA. Volume 31 – n° 3/2017 et WoodStock, remportant les championnats mondiaux d’IA dans leur domaine respectif, à savoir le bridge et la compétition General Game Playing. La troisième contribution s’intéresse à la planification d’actions dans un très grand espace de décision. Par l’utilisation de traces d’exécutions et l’estimation de l’utilité des solutions contenues dans ces traces, les auteurs de cet article proposent un moyen de réduire efficacement l’espace de recherche, et appliquent leur méthode à un jeu Tamagotchi. Enfin, la quatrième contribution propose elle aussi une méthode simple et élégante de réduction d’espace de recherche pour des solveurs de problème de satisfaction de contraintes quantifiées dans le cadre de jeux à deux joueurs à horizon fini et information complète, aboutissant à un solveur nommé QuaCode surpassant les solveurs de l’état de l’art.
Nous tenons à remercier vivement les relecteurs qui ont contribué à l’élaboration de ce numéro spécial. Nous remercions également Yves Demazeau, rédacteur en chef de la Revue d’Intelligence Artificielle, qui a soutenu ce projet depuis le début.
FLORIAN RICHOUX
Université de Nantes, LS2N
CAROLE ADAM
Université Grenoble-Alpes, LIG
CÉDRIC BUCHE
École Nationale d’Ingénieurs de Brest, Lab-STICC
TRISTAN CAZENAVE
Université Paris-Dauphine, LAMSADE
COMITÉ DE LECTURE DE CE NUMÉRO
Jean-François BAFFIER – NII, Japon
Ariane BITOUN – MASAGroup Paris, France
Stéphane CARDON – École spéciale militaire de Saint-Cyr, France
Fred CHARLES – Bournemouth University, UK
Caroline CHOPINAUD – Craft AI, France
Éric JACOPIN – École spéciale militaire de Saint-Cyr, France
Mehdi KAYTOUE – Insa Lyon, France
Clodéric MARS – Craft AI, France
Mihai POLCEANU – École Nationale d’Ingénieurs de Brest, France
Chedy RAÏSSI – Inria Nancy Grand-Est, France