Development of a Method for Assessing Resistance to Mold Growth: Application to Bio-based Composites

Development of a Method for Assessing Resistance to Mold Growth: Application to Bio-Based Composites

Développement d'une Méthode d'Évaluation de la Résistance au Développement des Moisissures : Application à des Composites Biosourcés

Marie VielFlorence Collet Yann Lecieux Marc L.M. François Valentin Colson Christophe Lanos Atif Hussain Mike Lawrence 

Université de Nantes, Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique, BP 92208, Nantes, France

Université de Rennes, Laboratoire Génie Civil et Génie Mécanique, BP 90422, Rennes, France

CAVAC Biomatériaux, Le Fief Chapitre, Sainte Gemme la Plaine, France

BRE Centre for Innovative Construction Materials, Department of Architecture and Civil Engineering, University of Bath,BA2 7AY, United Kingdom

Corresponding Author Email: 
marie.viel@univ-nantes.fr
Page: 
261-274
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DOI: 
https://doi.org/10.18280/rcma.290410
Received: 
5 October 2018
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Revised: 
1 January 2019
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Accepted: 
12 January 2019
|
Available online: 
1 November 2019
| Citation

OPEN ACCESS

Topical Collection
Abstract: 

The production of insulating materials for buildings obtained from the valorization of agro-resources is a promising way both in terms of ecology and hygrothermal performances of these composites. However, the lack of information on their resistance to mold development limits their use. The mold development is indeed likely to cause health problems and to induce damage. There is therefore a need to classify the materials according to their resistance to mold growth and disintegration in order to use them appropriately. The purpose of this paper is to propose a test method that qualifies bio-based composites with respect to their performance. An accelerated aging test was carried out on 5 composites made with two different agro-resources (hemp and rape) with different binders. It consists in exposing the specimens to a temperature of 30 °C and a relative humidity of 90 %RH for three months. The evolution of two indicators is measured over time: the sample mass and the percentage of its external surface contaminated by fungi. At the end of the test, a microscopic view makes it possible to identify the species of the molds which have contaminated the composite.

RÉSUMÉ :

La production de matériaux isolants pour le bâtiment issu de la valorisation des agro-ressources est une voie prometteuse tant en termes d'écologie que de performances hygrothermiques. Cependant, le manque d'information sur la résistance des composites biosourcés au développement des moisissures limite leur utilisation. Le développement de moisissures est en effet susceptible de causer des problèmes de santé pour les habitants et de conduire à la détérioration des isolants. Il est donc nécessaire de classer les matériaux en fonction de leur résistance à la croissance des moisissures afin de permettre une utilisation optimale. Le but de cet article est de proposer une méthode d'essai qui qualifie les composites biosourcés en fonction de leur résistance au développement fongique. Un test de vieillissement accéléré a été réalisé sur 5 composites fabriqués avec deux agro-ressources différentes (chanvre et colza) et des liants différents. Elle consiste à exposer les échantillons à une température de 30 °C et une humidité relative de 90 %HR pendant trois mois. L'évolution de deux indicateurs est mesurée dans le temps: la masse de l'échantillon et le pourcentage de sa surface externe contaminée par des moisissures. A l'issue de l'essai, une vue microscopique permet d'identifier les espèces des moisissures qui ont contaminées le composite.

Keywords: 

construction materials, decay resistance, mold growth, hemp shiv, rape straw, DIC (digital image correlation)

Mots-clés :

matériaux de construction, résistance à la dégradation, développement de moisissures, chènevottes, paille de colza, corrélation d'image numérique

1. Introduction

Ce papier est consacré à l'étude de la résistance fongique des composites. Les matériaux biosourcés sont en effet très sensibles à la croissance des moisissures en raison de leur composition chimique : cellulose, hémicellulose, pectine, lignine et protéines.

Les moisissures sont produites par une grande variété de micro-organismes, principalement des champignons microscopiques et des levures. Ceux-ci jouent un rôle important dans la décomposition des matières végétales. Ces micro-organismes se développent et se reproduisent très rapidement, répandant spores et mycélium.

Ces micro-organismes peuvent déjà être présents à l'intérieur des matériaux de construction (murs, cloisons, plafonds) ou peuvent être introduits directement dans les maisons par la ventilation. Leur croissance est liée à différents facteurs, tels que : les inondations, les fuites d'eau (toiture ou tuyauterie), les espaces mal ventilés (dans la cuisine, dans la salle de bains) et les joints d'étanchéité des bâtiments [1, 2]. Dans tous les cas, les moisissures se développent lorsque les matériaux contiennent de l'eau libre. Pour le bois, la teneur en eau au point de saturation des fibres varie de 20 à 30 %. L'apparition des moisissures induit une perte de masse comprise entre 5 et 10 % et les propriétés mécaniques diminuent entre 20 et 80 % selon le type de matériau [3]. Les moisissures puisent l'eau, les substances nutritives et les minéraux nécessaires à leur croissance dans le milieu environnant et les matériaux [2, 4-7].

Bien que des moisissures soient naturellement présentes dans l'atmosphère, des concentrations élevées peuvent avoir des effets néfastes sur la santé. En effet, de nombreux composants fongiques sont nocifs pour les personnes exposées. Des fragments de mycélium peuvent être présents dans l'air ambiant et pourraient être inhalés. Leurs parois contiennent des glucanes (sucre complexe) aux propriétés inflammatoires. Les spores peuvent aussi causer des réactions allergiques comme la rhinite allergique ou l'aggravation des symptômes de l'asthme. De plus, les moisissures libèrent des toxines dont la toxicité peut persister après que les moisissures aient cessé de croître. Le seuil de sensibilité varie d'un individu à l'autre, et selon le type de moisissure chaque personne est potentiellement concernée. Les nourrissons, les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et les personnes souffrant de maladies respiratoires, d'allergies, d'asthme et d'affaiblissement du système immunitaire sont généralement plus sensibles à l'exposition aux moisissures. De même, la gravité des symptômes n'est pas nécessairement proportionnelle à l'ampleur de l'exposition. La prévention et l'élimination des moisissures dans les logements neufs et existants n'est donc pas seulement une question esthétique, mais aussi une question de santé publique et d'hygiène [1, 6, 8, 9].

Il est donc nécessaire de classer les matériaux en fonction de leur résistance fongique afin de les utiliser de manière appropriée. Pour qualifier la durabilité des matériaux, il existe différentes méthodes et normes telles que : la méthode de Johansson [10], la norme AWPA E24-06 [11], la norme ASTM 2012 [12] ou encore la norme BSI EN ISO 846-1997 [13], évaluant la résistance fongique des échantillons après inoculation des moisissures. Pour chacune de ces méthodes, l'intensité de la croissance des moisissures sur une surface de l'échantillon est évaluée visuellement à l'aide d'une échelle de notation pendant la période d'essai. Il s'agit donc d'un type d'évaluation quelque peu subjectif.

Le but de ce papier est donc de développer une méthode pour qualifier les composites biosourcés en ce qui concerne leur résistance au développement de moisissures. Les composites ont été exposés pendant trois mois à des conditions défavorables : 30 °C et 90 %HR. Ces conditions sont censées déclencher puis accélérer la croissance des moisissures à la surface des panneaux biosourcés. Les échantillons ont été fabriqués avec deux agro-ressources différentes (chanvre et colza) mélangées avec différents liants. Ils sont testés sans stérilisation préalable ni inoculation de moisissures. Les échantillons sont régulièrement pesés et photographiés pendant le test. L'évolution de deux indicateurs est ainsi mesurée dans le temps : la masse de l'échantillon et le pourcentage de sa surface contaminée par les moisissures. Deux méthodes sont utilisées pour évaluer la zone contaminée : l'inspection visuelle comme indiqué précédemment ainsi que la corrélation d'images (DIC). Cette dernière méthode est développée dans ce travail pour quantifier rapidement la surface contaminée des échantillons par les moisissures de manière objective contrairement à l'évaluation visuelle. A la fin de l'essai, des visualisations microscopiques sont réalisées afin d'identifier les espèces de moisissures qui ont contaminées les composites.

2. Materials et Methodes

2.1 Bio-granulats

Deux types de granulats sont considérés dans cette étude: les chènevottes et la paille de colza. Les principales caractéristiques de ces granulats sont présentées dans le Tableau 1. La distribution granulométrique, la masse volumique apparente ainsi que la conductivité thermique ont été obtenues à l'aide des protocoles établis par le comité technique RILEM 236-BBM [14]. La valeur tampon hygrique (MBV de l'anglais Moisture Buffer Value) est mesurée lorsque les granulats sont en vrac selon une méthode basée sur le protocole Nordtest [15].

Tableau 1. Principales caractéristiques des chènevottes et de la paille de colza

Granulats

Chènevottes

Paille de colza

Largeur moyenne (W50, mm)

2.2

3.1

Largeur maximale (mm)

5.0

8.5

Longueur moyenne (L50, mm)

8.0

15.9

Longueur maximale (mm)

19.0

45.2

Masse volumique (kg/m3)

107.9

73.3

Conductivité thermique (mW/(m.K))

64.1

49.9

MBV (g/(m².%HR))

2.35

2.25

Les chènevottes sont un produit commercial (Biofibat - CAVAC, France) couramment utilisé pour produire du béton de chanvre. La largeur moyenne des particules (W50) est de 2.2 mm et la longueur moyenne (L50) est de 8.0 mm. La largeur maximale est de 5.0 mm et la longueur maximale est de 19.0 mm. La conductivité thermique est de 64.1 mW/(m.K) pour une masse volumique apparente de 110 kg/m3. Le MBV est de 2.35 g/(m².%HR). Selon la classification du projet Nordtest, le chanvre en vrac apparaît comme un excellent régulateur hygrique (MBV supérieur à 2 g/(m².%HR)).

La paille de colza (fournie par la CAVAC, France) est la partie résiduelle du battage du colza qui est couramment utilisée pour la litière, le paillage ou l'alimentation animale. La largeur moyenne des particules est de 3.1 mm et la longueur moyenne est de 15.9 mm. La largeur maximale est de 8.5 mm et la longueur maximale est de 45.2 mm. La conductivité thermique est de 49.9 mW/(m.K) pour une masse volumique apparente de 75 kg/m3. Le MBV est de 2.25 g/(m².%HR). Selon la classification du projet Nordtest, c'est un excellent régulateur hygrique (MBV supérieur à 2 g/(m².%HR)).

2.2 Formulation des composites

De nombreuses formulations ont été étudiées dans le cadre du projet ISOBIO [16] et seulement les formulations les plus performantes au regard du critère de la conductivité thermique sont sélectionnées pour subir un test de vieillissement accéléré. Plusieurs axes de recherche ont été étudiés dans le but de produire, à partir des granulats biosourcés et d'un liant vert, un panneau isolant rigide. Les principaux axes de recherche sont les suivants:

  • Utiliser les propriétés adhésives des granulats après traitement ;
  • Utiliser des réticulants dans les liants pour améliorer les propriétés mécaniques et la résistance à l'eau des composites ;
  • Utiliser un traitement sol-gel pour améliorer la résistance à l'eau des composites.

De nombreuses formulations ont été étudiées et les cinq meilleures ont été sélectionnées afin de produire les échantillons nécessaires à cette étude. Ils sont constitués de paille de colza ou de chènevottes, traitées ou non, mélangées avec ou sans liant et avec ou sans additifs. Les différentes formulations sont données dans le Tableau 2.

Les composites C1 sont constitués de paille de colza ayant subi un traitement alcalin. Des travaux préliminaires ont montré qu'après des traitements alcalin et thermique sur la paille de colza, les composites produits ont une bonne cohésion, induite par la polymérisation des composants solubles. Cette formulation présente l'avantage de n'utiliser que de la paille de colza traitée, ce qui permet de produire des panneaux isolants 100 % biosourcés dans le même esprit que les composites chanvre-paille [17].

Tableau 2. Composition des échantillons fabriqués à partir de paille de colza (colza) ou de chènevottes (chanvre)

Formulations

C1

C2

C3

C4

C5

Granulats

100% Paille de colza

90% Chènevottes

90% Chènevottes

100% Chènevottes

90% Chènevottes

Traitement

Alcalin

Sans

Sans

Sol-gel

Sol-gel

Liant

Sans

8% Dérivé d'amidon

2% Réticulant

8% Dérivé d'amidon

2% Réticulant

Sans

8% Dérivé d'amidon

2% Réticulant

Additif

Sans

Sans

2% Paraffine

Sans

Sans

Solvant

Sans

Eau (33% de la

masse sèche)

Eau (33% de la

masse sèche)

Sans

Eau (33% de la

masse sèche)

Les composites C2 sont constitués de chènevottes mélangées à un liant formulé à l'aide d'un dérivé d'amidon (80 %) et d'un agent réticulant (20 %). L'amidon et ses dérivés ont de bonnes propriétés adhésives sur les substrats lignocellulosiques. Cependant, les liaisons chimiques à faible énergie (liaisons Van der Waals et liaisons hydrogène), qui assurent la cohésion de l'amidon, peuvent être facilement hydrolysés par l'eau. Cela entraîne une mauvaise résistance à l'eau du composite. C'est pourquoi un agent de réticulation est ajouté pour créer, après une activation thermique, des liaisons covalentes entre les chaînes macromoléculaires d'amidon et ainsi former un réseau tridimensionnel afin d'améliorer la résistance mécanique et la résistance à l'eau du composite. Les composites C3 sont fabriqués en utilisant la même formulation que les composites C2, mais 2 % de paraffine est ajoutée afin d'améliorer sa résistance à l'eau.

Les composites C4 sont fabriqués à partir de chènevottes enduites d'un traitement sol-gel qui doit améliorer leur imperméabilité à l'eau. Pour la préparation du sol-gel, 1 mol (M) de TEOS a été ajouté à un mélange de 4 M d'eau distillée, 4 M d'éthanol absolu et 0.005 M d'acide nitrique. 0.015 M de HDTMS a été ajouté au mélange ci-dessus pour jouer le rôle d'agent hydrophobe. La solution a ensuite été agitée à 40 °C et à pression atmosphérique pendant près de 2 heures. Puis les solutions sont stabilisées pendant 96 heures dans un récipient fermé à température ambiante avant d'être mélangés avec les chènevottes afin de les enrober. Dans le cas des composites C4, ce revêtement sol-gel sert également de liant. Quant aux composites C5, ils sont constitués des mêmes granulats enrobés que les composites C4 et du même liant que les composites C2. Par rapport aux composites C4, l'ajout du liant améliore les propriétés mécaniques.

Pour la fabrication des composites C1, C2, C3 et C5, les granulats (traités, enduits ou non) sont humidifiés avec le solvant et/ou le liant, le cas échéant. Trois échantillons sont produits à partir du même mélange. Le mélange est divisé en trois parties égales (A, B et C) et chaque partie est introduite dans une des trois alvéoles du moule. Puis, le mélange est compacté en une seule couche 5 fois directement dans le moule. La pression de compactage est de 250 kPa. L'ensemble est ensuite placé dans une étuve à 190 °C pendant 2 heures en maintenant la pression. Les trois composites de dimensions 100x100x50 mm3 sont démoulés à froid (Figure 1).

Figure 1. Diagramme de fabrication des composites (excepté pour la formulation C4)

Quant à la formulation C4, les chènevottes (75 % en volume) et la solution liante (25 % en volume), ont été mélangées manuellement pour obtenir un mélange uniforme. Ensuite le mélange est placé dans un moule et laissé au four à 80 °C toute la nuit. Les échantillons de dimensions 100x100x50 mmont été démoulés et conditionnés dans une salle de stockage à 19 °C et 50 %HR.

Tableau 3. Masse volumique apparente et pH de surface des composites

Composite N°

C1

C2

C3

C4

C5

ρ23°C-50%HR (kg/m3)

287.66

± 9.49

181.02

± 2.82

184.21

± 1.51

173.92

± 6.11

203.10

± 4.20

pH

10

6

6

4

6

Le Tableau 3 donne la masse volumique apparente des composites ainsi que leur pH de surface. Les composites à base de chènevottes ont des masses volumiques apparentes très proches allant de 173 à 203 kg/m3. Les composites à base de paille de colza (C1) ont la masse volumique apparente la plus élevée (288 kg/m3) en raison de la masse volumique beaucoup plus élevée du granulat après le traitement alcalin, ce qui réduit la porosité intra et inter-particulaire. Les composites C1 ont le pH de surface le plus élevé (10) en raison du traitement alcalin réalisé sur les granulats. Les composites collés avec le liant à base d'amidon et le réticulant (C2, C3 et C5) ont un pH de surface acide de 6, les composites collés au sol-gel (C4) ont le pH le plus bas (4).

Figure 2. Dispositif expérimental du vieillissement accéléré : Conditionnement, pesée et prise des photos

2.3 Méthode

2.3.1 Protocole

Le test de vieillissement accéléré permet d'évaluer la résistance fongique des composites à température et humidité données et est schématisé par la Figure 2. Après stabilisation à 23 °C et 50 %HR, le test de vieillissement accéléré est effectué dans une enceinte climatique (Vötsch VC0034, Figure 2.1) dans des conditions de température et d'humidité relative contrôlées à 30 °C et 90 %HR pendant trois mois. Les composites sont testés sans stérilisation préalable ou inoculation de moisissure pour reproduire fidèlement une situation d'exposition réelle.

Pour chaque formulation, trois échantillons sont testés. Chaque échantillon est placé dans une boîte en plastique (dont la face supérieure est ouverte) pour éviter la contamination entre les échantillons. Afin de faciliter le traitement d'image, les échantillons sont bloqués grâce à 4 blocs adhésifs en aluminium afin de les empêcher de se déplacer dans la boîte en plastique. De plus, le banc expérimental permet de toujours prendre des photos de la surface supérieure des composites de la même manière (Figure 2.3). Chaque jour, du lundi au vendredi, les échantillons sont pesés (Figure 2.2) et inspectés visuellement. Les photos sont réalisées avec un appareil photo (Coolpix 8700, 8 Megapixels, Nikon). 

2.3.2 Analyse de la variation de masse

Pour l'analyse, la variation de masse à partir du point d'équilibre est liée à la surface d'échange (y compris la surface horizontale supérieure et les surfaces latérales de l'échantillon). La perte de masse de chaque formulation est exprimée comme le rapport de masse entre la masse maximale et celle au temps t, dans l’Eq. (1).

$P M = \frac { m _ { \max } - m } { m _ { \max } } \times 100$   (1)

Où PM est la perte de masse (en %), mmax est la masse maximale du composite (g) et m est la masse du composite au temps donné (g).

2.3.3 Analyse visuelle

Le dernier jour de l'essai, la croissance des moisissures qui se trouvent sur la surface supérieure des échantillons, est évaluée visuellement selon l'échelle de croissance de la norme BSI EN ISO 846 - 1997 [13] (Tableau 4). Cette méthode est subjective. Ainsi, l'évaluation finale correspond à la valeur moyenne de la note donnée par 8 personnes distinctes.

Tableau 4. Évaluation de la croissance des moisissures suivant la norme BSI EN ISO 846 – 1997

Note

Evaluation

0

Aucune croissance apparente sous microscope

1

Aucune croissance visible à l'œil nu, mais visible au microscope

2

Croissance visible, couvrant jusqu'à 25 % de la surface d'essai

3

Croissance visible, couvrant jusqu'à 50 % de la surface d'essai

4

Croissance considérable, couvrant plus de 50 % de la surface d'essai

5

Croissance importante, couvrant plus de 75 % de la surface d'essai

2.3.4 Analyse d’image

L'indicateur de contamination choisi est la surface photographiée relative contaminée par les moisissures en référence à la surface totale. Le même type d'approche est utilisé dans les travaux de recherche de [2], ou de [10], ou de [4], ou encore de [18] par exemple. Pour évaluer la croissance des moisissures entre deux dates t0 et t, deux photographies du même échantillon ont été prises. Dans cette étude, un dispositif expérimental très simple a été choisi (Figure 2.3) pour éviter l'utilisation d'équipements sophistiqués. Cependant, pour l'analyse d'images, il est nécessaire d'utiliser ou de développer des outils informatiques spécifiques. L'analyse d'image est effectuée en deux étapes :

  • Tout d'abord, le champ de déplacement entre les images enregistrées à t0 et t est calculé. Ce déplacement peut être dû à la manipulation de l'opérateur (comme un mouvement accidentel de l'échantillon ou de l'appareil photo) ou peut être provoqué par une dilatation du composite due au gonflement induit par le changement d'humidité. Cette étape est réalisée grâce à la corrélation d'image numérique (DIC : Digital Image Correlation) utilisant le code DIGIMCO développé par Marc François dans l'environnement MATLAB. Des outils similaires, qu'il s'agisse de logiciels libres ou commerciaux [19-20], sont utilisés depuis plusieurs années pour mesurer le champ de déplacement ou évaluer les propriétés mécaniques [21-23].
  • Deuxièmement, l'emplacement des moisissures est révélé grâce à la carte d'erreur de la corrélation entre les images enregistrées à l'instant t0 et t. Elle représente la différence entre les deux images une fois corrélées dans l'espace. Une différence de niveaux de gris révèle la présence de moisissures.

Le principe de l'analyse est le suivant. Une image numérique est un ensemble de données produites en enregistrant la variation de l'intensité d'un signal. C'est une matrice de 1 lignes et de c colonnes. Chaque pixel a une valeur qui représente la luminosité d'une couleur donnée à un emplacement spécifique. Dans la suite du document, l'image f et l'image g désignent les images d'un objet respectivement enregistrées à l'instant initial t0 et à l'instant t. Les fonctions discrètes f(X) et g(X) désignent respectivement les niveaux de gris associés au pixel de l'image f et g situés à la position X (les coordonnées sont en pixels). L'emplacement d'un point de texture donné est désigné par X dans l'image f et x dans l'image g (voir la Figure 3). Les transformations possibles entre deux images sont schématisées sur la Figure 3 (c'est-à-dire une dilatation, une translation et une rotation). La première étape de l'analyse consiste à calculer le champ de déplacement u(X) qui donne le meilleur ajustement entre les images f et g. La texture des deux images est similaire et est utilisée pour déterminer cet ajustement.

Figure 3. Corrélation d'image numérique entre l'image initiale f (temps t0) et l'image courante g (temps t)

Le déplacement u est défini par :

$\mathbf { x } = \mathbf { X } + \mathbf { u }$     (2)

En supposant une déformation homogène, la transformation est modélisée par un champ paramétré de la forme :

$\mathbf { x } = \mathbf { F } \cdot ( \mathbf { X } + \mathbf { T } )$        (3)

Où T est le vecteur translation décrit par les paramètres $\lambda _ { 1 }$ et $\lambda _ { 2 }$.

$\lambda _ { 1 } = T _ { 1 }$      (4)

$\lambda _ { 2 } = T _ { 2 }$       (5)

Et F est le tenseur du gradient de déformation décrit par les paramètres ($\lambda _ { 3 } , \lambda _ { 4 } , \lambda _ { 5 }$ et $\lambda _ { 6 }$ :

$\lambda _ { 3 } = \boldsymbol { n } \left( \boldsymbol { F } _ { 11 } - \mathbf { 1 } \right)$      (6)

$\lambda _ { 4 } = \boldsymbol { n } \left( \boldsymbol { F } _ { 12 } \right)$      (7)

$\lambda _ { 5 } = \boldsymbol { n } \left( \boldsymbol { F } _ { 21 } \right)$    (8)

$\lambda _ { 6 } = \boldsymbol { n } \left( \boldsymbol { F } _ { 22 } - \mathbf { 1 } \right)$      (9)

Où n est un facteur de pondération. Il faut souligner que le tenseur F comprend une déformation pure, une rotation rigide et une dilatation. La méthode DIC [21] est basée sur une hypothèse de conservation du flux optique entre les images f et g dont la texture ne diffère pas significativement donc $f ( \boldsymbol { X } ) = g ( \boldsymbol { x } ) = g ( \boldsymbol { X } + \boldsymbol { u } )$ (avec une erreur possible). Les conditions expérimentales sont compatibles avec ces hypothèses puisque la luminosité des images et la couleur des composites n'ont pas évolué de manière significative au cours du test. Pour trouver le déplacement u ou les paramètres $\lambda _ { i }$, il faut minimiser la somme des différences quadratiques Φ  des niveaux de gris sur la zone d'intérêt$- Z _ { i } -$qui correspond dans cette étude à l'ensemble de la surface photographiée du composite.

$\varphi \left( \lambda _ { 1 } , \lambda _ { 2 } , \lambda _ { 3 } , \lambda _ { 4 } , \lambda _ { 5 } , \lambda _ { 6 } \right) = \sum _ { X \in Z _ { i } } ( g ( x ) - f ( X ) ) ^ { 2 }$    (10)

Cependant le calcul du champ de déplacement n'est pas l'objectif de cette étude. Il s'agit de comparer les images f (original) et g (avec les moisissures), pixel par pixel, exactement au même endroit. Ici, la présence de moisissure modifie le niveau de gris. Les zones affectées par les champignons sont supposées être grandes par rapport à la taille de la texture de l'image du composite. En supposant une variation uniforme b du niveau de gris, (en raison de la présence de moisissure), l'Eq. (10) devient :

$\varphi \left( \lambda _ { 1 } , \lambda _ { 2 } , \lambda _ { 3 } , \lambda _ { 4 } , \lambda _ { 5 } , \lambda _ { 6 } \right) = \sum _ { X \in Z _ { i } } ( g ( x ) + b - f ( X ) ) ^ { 2 }$    (11)

Le résultat de la minimisation (c'est-à-dire le calcul des paramètres $\lambda _ { i }$ ou le champ de déplacement u) n'est pas modifié par la présence de b puisqu'il ne modifie pas le gradient de Φ [21]. La Figure 4 illustre la méthode. La fonction f(X) représente un exemple 1D du niveau de gris dans l'image initiale f (sans moisissure). La fonction g(X) représente le niveau de gris final de l'image g dans laquelle les moisissures ont changé le niveau de gris de la partie droite. Un mouvement de corps rigide est visible. Une fois calculée la meilleure corrélation (Eq. (11)), les pics des images f(X) et g(X) correspondent. Ensuite, la différence $g ( x ) - f ( X )$ montre l'emplacement de la surface contaminée.

Un test a été effectué sur une image de 8 bits (luminosité codée de 0 à 256) d'un composite sans moisissure visible (voir Figure 5). L'image de référence est l'image a) qui sera comparée à l'image b). C'est une photographie du même composite prise 24 heures plus tard également exempte de moisissures. Dans l'image c), une inscription est ajoutée avec un logiciel de dessin. Ensuite, avec DIGIMCO, on recherche le champ de déplacement uniforme qui permet de superposer d'abord les images a et b puis les images a et c. Une fois le champ de déplacement obtenu, la carte des erreurs de corrélation entre a) et b) est affichée sur l'image d). Sur l'image e) la carte des erreurs de corrélation entre a) et c) est également affichée. Sur la carte d'erreur e), l'inscription ajoutée à l'image c) est clairement visible tandis que la carte d'erreur d) est uniforme et ne présente pratiquement aucune erreur. A partir de cette carte d'erreur, une opération de seuillage (binarisation) permet d'isoler la différence, dans cet exemple : l'inscription "Test DIGIMCO".

Il convient de souligner que dans l'utilisation traditionnelle de la méthode DIC, la surface de l'objet étudié est recouverte d'un mouchetis. Cette préparation de surface permet d'obtenir une image très contrastée et non structurée. Ce n'est pas le cas pour ce test. La surface du composite fait office de mouchetis aléatoire. La présence de centaines de particules enchevêtrées sans motif régulier sur la surface visible du composite permet d'appliquer la méthode DIC sans modification du milieu. Ainsi, l'utilisation de la DIC ne nécessite aucun traitement ou modification de l'environnement susceptible de modifier la croissance des micro-organismes étudiés.

Une fois les cartes d'erreurs de corrélation calculées pour chaque image, l'opération de post-traitement est effectuée avec MATLAB. La procédure de traitement d'image est résumée sur la Figure 6. Elle nécessite au moins 3 images : l'image initiale du composite a), une image sans moisissure apparente b) et l'image à analyser c). Après l'obtention des cartes de corrélation d) et e), un seuillage est effectué. Le choix de la valeur de seuil est par définition arbitraire. Cependant, l'étude de la carte des erreurs de corrélation obtenue pour une image supposée sans moisissures (voir un échantillon à t= t0+ 2 jours sur la Figure 6.d) permet de proposer une valeur seuil cohérente et systématique. Sur cet exemple, 99 % des pixels ont un niveau de gris supérieur à 246 (voir Figure 6.f). Cette valeur a été utilisée pour les opérations de seuillage effectuées sur les photographies prises les jours suivants.

Figure 4. Luminosité relative des images g et f : Une erreur implique la détection d'un nouvel objet

Figure 5. Exemple de détection d'objet en utilisant la DIC

Figure 6. Procédure d'analyse d'image, DIC et post-traitement appliqué sur composite C5

Les pixels dont la valeur est inférieure à cette valeur seuil sont considérés comme contaminés (voir Figure 6.g). Après le seuillage, la Figure 6.h est obtenue). Une opération morphologique d'ouverture et de fermeture de l'image en noir et blanc est ensuite effectuée pour filtrer les pixels isolés (avec la fonction imopen et imclose de Matlab) et réduire ce qui s'apparente à du bruit de mesure. Enfin, il suffit de compter le nombre de pixels blancs et de pixels noirs dans l'image pour obtenir le pourcentage de surface contaminée par les moisissures.

La méthode choisie a l'avantage d'être non intrusive contrairement à d'autres méthodes trouvées dans la littérature :

  • Utilisation d'un adhésif pour retirer les spores fongiques des échantillons puis scan de l'empreinte laissée par les moisissures [4] ;
  • Scan des échantillons sur les deux faces [18].

En effet, à aucun moment (sauf à la fin de l'essai), quelqu'un ne vient perturber le biotope.

2.3.5 Visualisations microscopiques

Après la période d'essai de trois mois, l'identification des moisissures qui se développent sur la surface des composites infectés est réalisée à l'aide d'un microscope optique. Des chènevottes infectées sont collectées avec une pince puis directement posées sur une lame en verre. Les images sont capturées au grossissement 50x et 125x. Ensuite, les images sont traitées avec le logiciel Image J (NIH) auquel a été ajouté le plugin Microscope Measurement Tools (Fiji) pour ajouter des mesures ainsi qu'une barre d'échelle. Le microscope est calibré pour un grossissement 50x et 125x à l'aide d'une fibre optique de 125 ± 0.7 µm de diamètre (Corning® SMF-28® Ultra Optical Fiber). L'échelle déterminée correspond à la valeur moyenne de cinq mesures et est validée à l'aide d'une fibre optique revêtue dont le diamètre est de 242±5 µm (Corning® SMF-28® Ultra Optical Fibre).

3. Resultats

3.1 Visualisations macroscopiques

La Figure 4 montre les photographies des échantillons C1 à C5 à différents moments de l'essai. L'inspection visuelle montre qu'au cours de cet essai, les composites C1 ne présentent aucun développement fongique. Les autres composites présentent une croissance des moisissures, plus ou moins rapide. Les surfaces des composites C2, C3 et C4 ne sont pas fortement contaminées contrairement au composite C5 qui a la surface la plus contaminée. Les premiers champignons apparaissent principalement entre les chènevottes sur les composites C2, C3, C4 et C5 entre le quatrième et le septième jour. Les multiples couleurs des moisissures (gris, blanc et jaune) suggèrent qu'au moins deux types de moisissures ont contaminé les surfaces des composites.

Figure 7. Photographies des échantillons C1, C2, C3, C4 et C5 aux semaines 0, 2, 4, 6, 6, 8 et 12 du test de vieillissement

Figure 8. Notes moyennes de la surface contaminée des composites par les moisissures obtenues avec l'échelle de notation de la norme BSI EN ISO 846 - 1997 après 12 semaines à 30 °C et 90 %HR

La Figure 8 donne les notes moyennes de l'évaluation visuelle données par huit personnes à l'aide de l'échelle de notation de la norme BSI EN ISO 846 - 1997 [13] à la fin de l'essai. Le composite C1 n'a pas de champignons visibles. Le composite C3 a moins de 25 % de sa surface contaminée. Les composites C2 et C4 ont entre 25 et 50 % de leur surface contaminée, le composite C4 étant probablement le plus contaminé des deux. Enfin, le composite C5 a plus de 75 % de sa surface contaminée.

3.2 Suivi de masse

La Figure 6 donne la variation de masse à 30 °C et 90 %HR par rapport au point d'équilibre (23 °C ; 50 %HR), en fonction de la surface d'échange (comprenant les surfaces supérieures et latérales des échantillons). Au cours de la première semaine d'exposition, tous les échantillons présentent une augmentation de masse due à l'adsorption de la vapeur d'eau, ce qui donne une teneur en eau d'environ 20 % dans les échantillons. A partir du huitième jour, la masse du composite C5 diminue légèrement. A partir du neuvième jour, les composites C2, C3 et C4 diminuent légèrement en masse. La perte de masse est liée au développement des moisissures. Le composite C5 présente la perte de masse la plus élevée et le composite C3, la perte de masse la plus faible. Quant au composite C1, il ne présente pas de perte de masse au cours de l'essai. En effet, à partir du dix-huitième jour, la formulation C1 se stabilise à une teneur en eau d'environ 54 % jusqu'à la fin de l'essai.

Figure 9. Variation de la masse (à 30 °C ; 90 %HR) par rapport à l'état d'équilibre à (23 °C ; 50 %HR) des échantillons en fonction de la surface d'échange

Figure 10. Perte de masse des composites testés lors de l'essai de vieillissement

La Figure 7 et le Tableau 5 (relative à la masse maximale de l'échantillon notée autour de 7 jours) donnent la perte de masse pour les composites C2, C3, C4 et C5 pendant l'essai. La perte de masse augmente linéairement avec le temps pour les quatre formulations après la première semaine. Cette semaine correspond certainement au temps nécessaire pour atteindre une teneur en eau suffisante dans les échantillons afin de déclencher la croissance des moisissures. Les coefficients de corrélation des courbes d'ajustement sont bons car ils sont supérieurs à 0.93. Le composite C5 présente la perte de masse la plus élevée et le composite C3, la perte de masse la plus faible. Ceci est probablement dû à l'ajout de paraffine, ce qui permet d'augmenter l'hydrophobie des chènevottes. De plus, la quantité d'eau adsorbée par le composite C3 est inférieure à celle des autres composites. Les composites C2 et C4 ont une perte de masse presque similaire. Ainsi le revêtement sol-gel n'a pas d'impact sur la cinétique d'absorption de la vapeur d'eau. A la fin de l'essai, ces trois formulations ont une perte de masse d'environ 1.15 % alors que le composite C5 a la perte de masse la plus élevée (4.28 %).

Tableau 5. Perte de masse (PM, %) pour les composites testés en fonction du temps d'exposition (semaines)

Temps (semaines)

PM C2

PM C3

PM C4

PM C5

0.96

0.00 ± 0.00%

0.00 ± 0.00%

0.00 ± 0.00%

0.00 ± 0.00%

2.11

0.21 ± 0.02%

0.06 ± 0.06%

0.23 ± 0.02%

0.94 ± 0.01%

2.96

0.23 ± 0.04%

0.03 ± 0.04%

0.45 ± 0.04%

1.33 ± 0.00%

3.96

0.42 ± 0.05%

0.19 ± 0.04%

0.53 ± 0.05%

1.61 ± 0.02%

4.96

0.53 ± 0.07%

0.33 ± 0.07%

0.66 ± 0.06%

2.03 ± 0.03%

5.96

0.62 ± 0.07%

0.46 ± 0.05%

0.76 ± 0.06%

2.47 ± 0.05%

6.96

0.76 ± 0.10%

0.62 ± 0.05%

0.82 ± 0.06%

2.81 ± 0.07%

7.96

0.85 ± 0.10%

0.71 ± 0.08%

0.89 ± 0.06%

3.15 ± 0.10%

8.96

0.95 ± 0.10%

0.90 ± 0.08%

0.97 ± 0.05%

3.50 ± 0.12%

9.96

1.10 ± 0.13%

0.97 ± 0.06%

1.04 ± 0.07%

3.78 ± 0.11%

10.96

1.05 ± 0.11%

0.98 ± 0.07%

1.08 ± 0.07%

4.04 ± 0.10%

3.3 Analyse d’image

La Figure 8 montre les photographies prises à la fin de l'essai qui sont utilisées pour obtenir le pourcentage de surface contaminée par les moisissures.

L'analyse d'image conduit à l'estimation du pourcentage de surface contaminée par la croissance fongique pendant la période d'essai à 30 °C et 90 %HR (Figure 9). Différentes cinétiques de croissance des moisissures entre les formulations sont observées. Dans l'ensemble, les composites C5 ont une croissance fongique plus importante. Les résultats sont caractérisés par un écart-type plus élevé entre les trois échantillons. Les composites C3 ont la cinétique de croissance la plus lente au cours de la période d'essai de douze semaines. Pour tous les échantillons, une augmentation substantielle de la croissance fongique est observée au cours de la deuxième semaine. Cela correspond à la phase exponentielle de la croissance fongique. Pendant cette période, les nutriments sont en excès. Ainsi, la première semaine correspond au temps requis pour que les conditions de croissance deviennent favorables. La teneur en eau des échantillons est d'environ 10 % au début de l'essai. Une semaine est nécessaire pour doubler cette valeur. Cette phase est appelée phase de latence. Au cours de la troisième semaine, l'intensité de la croissance diminue. Cette phase correspond à la phase de ralentissement. Celle-ci est due à l'épuisement du milieu de culture (surface des composites) et à l'accumulation de déchets. Cette phase dure deux semaines dans le cas du composite C5. Après la phase de ralentissement, le pourcentage de surface contaminée atteint un plateau jusqu'à la fin de l'essai. Cela signifie que la croissance devient nulle et donc que les moisissures qui se multiplient, remplacent celles qui meurent. Cela correspond à la phase stationnaire. A la fin de l'essai, la surface moyenne contaminée est de 22 % pour les échantillons C3, 28 % pour les échantillons C2, 35 % pour les échantillons C4 et 77 % pour les échantillons C5. La cinétique de croissance observée ici est conforme à ce qui est décrit dans la littérature en biologie [24]. Ces résultats suggèrent que la méthode d'analyse d'image fournit des résultats cohérents et exploitables pour cette étude.

Le Tableau 6 permet de comparer les résultats obtenus par l'évaluation visuelle et par l'analyse d'image de la surface contaminée des échantillons à la fin de l'essai. Les notes moyennes de l'évaluation visuelle et de l'analyse d'images sont proches. Cependant, l'évaluation visuelle montre un écart important (jusqu'à 17 %) en raison de son caractère subjectif. L'analyse d'image conduit à des valeurs représentatives car elle n'est pas soumise à un effet subjectif. Elle semble donc être plus précise et permet un suivi des échantillons en quasi continu.

Tableau 6. Notes moyennes de la surface contaminée des composites par les moisissures obtenues par évaluation visuelle comparée à celles obtenues par analyse d'image après 12 semaines à 30 °C et 90 %HR

Composite N°

C1

C2

C3

C4

C5

Evaluation visuelle

0.50

± 0.76

3.13

± 0.83

2.88

± 0.64

3.38

± 0.74

5.00

± 0.00

Analyse d'image

0

3.13

2.93

3.43

5

Echelle de notation

0 %

> 50 %

> 25 %

> 50 %

< 75 %

 
Figure 11. Les photographies avant et après le traitement DIC après douze semaines de test

Figure 12. Analyse d'images : évaluation de la surface contaminée de composites C2, C3, C4 et C5 exposés à 30 °C et 90 % d'humidité relative pendant la période d'essai, corrélés aux phases de croissance fongique avec I : Phase de latence, II: Phase exponentielle, III : Phase de ralentissement et IV : Phase stationnaire

3.4 Visualisations microscopiques

Après la période d'essai, un échantillon de moisissures est prélevé afin d'identifier les différentes moisissures responsables des dommages subis par les échantillons. La Figure 10 montre quelques photographies d'une chènevotte contaminée prises au microscope optique à différents grossissements. Sur la photographie 10.a, trois espèces différentes de moisissures sont présentes. Celle qui a une longue tige à tête sphérique blanche pelucheuse est l'Aspergillus ruber (AR). Cet organisme apparaît plus en détail sur la photographie 10.d. Sous ces têtes blanches, un cleistothecium sphérique jaune vif est à peine perceptible. Il s'agit de l'Eurotium rubrum (ER), la forme sexuelle de l'Aspergillus ruber (AR) qui est une forme asexuée. Toujours sous ces têtes blanches, des pycnides globulaires noires lisses et brillantes sont légèrement visibles. Ils appartiennent certainement au genre Phoma sp. et pourraient être de l'espèce Leptosphaeria maculans (LM). Ces deux champignons apparaissent plus en détail sur la photographie 10.e. Sur les photographies 10.b et 10.c, une seule espèce est présente. Au bout d'une longue tige, il y a un grand éventail blanc. C'est le Penicillium brevicompactum (PB). Sur les photographies des échantillons (Figure 4), les zones colorées en gris-brun correspondent à cette moisissure. Tous les composites contaminés (de C2 à C5) sont infectés par ces quatre espèces de moisissures.

Figure 13. Visualisations au microscope optique des surfaces contaminées observées aux grossissements 50x(a, b et c) et 125x(d et e) (AR : Aspergillus ruber, ER : Eurotium rubrum, LM : Leptosphaeria maculans et PB : Penicillium brevicompactum

Les moisissures sont divisées en trois types de colonisateurs qui ont besoin d'un minimum d'eau disponible afin de permettre leur croissance fongique sur la surface des matériaux. L'eau disponible dans les composites est définie par l'activité de l'eau ($a _ { w }$), qui correspond à l'humidité relative d'équilibre (ERH de l'anglais Equilibrium Relative Humidity) en pourcentage dans les matériaux. Les trois types de colonisateurs sont : primaire $\left( a _ { w } \leq 0.80 \right) ,$ secondaire $\left( 0.80 < a _ { w } \leq 0.90 \right)$ et tertiaire $\left( a _ { w } > 0.90 \right) [ 25 , .26 ]$. Penicillium brevicompactum (PB), Eurotium rubrum (ER) et Aspergillus ruber (AR) sont des colonisateurs primaires tandis que Leptosphaeria maculans (LM) est un colonisateur secondaire et peut progressivement devenir la moisissure dominante. Cela signifie que les moisissures appartenant aux colonisateurs primaires sont apparues dès que l'activité de l'eau dans les échantillons a été suffisante. Les colonisateurs secondaires sont apparus plus tard, certainement vers la fin de l'essai, car ces colonisateurs ont besoin d'une activité de l'eau plus élevée que les colonisateurs primaires [27-28]. Cependant, ils sont susceptibles de créer plus de dommages que les colonisateurs primaires puisqu'ils se nourrissent des sucres plus complexes comme la cellulose par exemple [29]. Une surveillance continue de la masse, après les 3 mois de test, aurait pu être intéressante pour vérifier cette hypothèse.

Enfin, toutes ces moisissures sont potentiellement allergènes. En effet, ces moisissures sont associées à des réactions allergiques telles que la rhinite allergique ou l'aggravation des symptômes d'asthme. Le seuil de sensibilité varie d'un individu à l'autre, et selon le type de moisissures pour une même personne. La réponse individuelle et les symptômes ressentis varient considérablement en fonction de la sensibilité individuelle et de la durée d'exposition aux moisissures. De plus, toutes les moisissures contiennent des substances inflammatoires qui peuvent produire une inflammation à degrés variable.

4. Conclusions

Un protocole d'évaluation de la résistance à la contamination des moisissures des composites biosourcés est proposé dans cette section. Il est facilement reproductible puisqu'il nécessite des équipements courants (armoire climatique, appareil photo et microscope optique). Le test de vieillissement accéléré consiste à placer les composites dans un environnement favorable au développement des moisissures pendant 3 mois (30 °C ; 90 %HR). La résistance à la colonisation des composites est ensuite évaluée dans le temps à l'aide de trois tests :

  • Suivi de la surface externe contaminée par les moisissures ;
  • Suivi de masse ;
  • Analyse microscopique.

Le suivi de masse prend en compte l'adsorption d'eau ainsi que la dégradation induite par le développement fongique. Il fournit des informations sur la dégradation à long terme des composites. De plus, il a été possible de déterminer la cinétique de la perte de masse apparente. Les composites C1 ne présentent pas de développement fongique et la masse des échantillons augmente jusqu'à ce qu'ils atteignent une teneur en eau d'équilibre d'environ 54 % à la fin de l'essai. Pour les composites C2, C3, C4 et C5, la cinétique de la perte de masse évolue linéairement après la première semaine. Cette semaine correspond certainement au temps nécessaire pour obtenir une teneur en eau suffisante dans les échantillons afin de déclencher la croissance des moisissures.

Le pourcentage de la surface externe contaminée par les composites est suivie par l'analyse des photographies des composites prises au cours de l'essai. La méthode proposée est basée sur l'adaptation d'un algorithme DIC. La cinétique de croissance observée pendant l'essai est conforme à ce qui est décrit dans la littérature en biologie et suggère que la méthode proposée fournit des résultats cohérents et exploitables. Cette technique de suivi totalement non intrusive diffère des méthodes actuelles d'évaluation de la croissance fongique. En effet, ces dernières sont intrusives et/ou basées sur des évaluations visuelles subjectives. La surveillance de la surface extérieure contaminée des composites permet une évaluation rapide et quantitative de la croissance des moisissures, essentiellement pendant les 20 premiers jours.

L'analyse microscopique permet d'identifier les espèces qui se sont développées sur les composites au cours de l'essai. Toutes les moisissures identifiées sont des allergènes potentiels. Il s'agit principalement de moisissures provenant des colonisateurs primaires. L'observation de quelques individus issus de colonisateurs secondaires suggère que le processus de dégradation des composites est toujours en cours après 3 mois d'essais. En effet, ces colonisateurs doivent progressivement devenir les moisissures dominantes si des nutriments sont encore disponibles sur le substrat. De plus, ils sont susceptibles de créer davantage de dommages que les colonisateurs primaires puisqu'ils se nourrissent de sucres plus complexes. Une surveillance continue de la masse, après les 3 mois d'essai, aurait pu être intéressante pour vérifier cette hypothèse.

Ce test permet également d'établir un lien entre la formulation chimique des composites et leur résistance à la colonisation fongique. Les résultats suggèrent que le pH d'un matériau de construction donné est un indicateur important de sa sensibilité au développement fongique. En effet, la formulation C1 est la plus résistante au développement fongique. Ceci est dû à un pH de surface de 10. Les autres formulations ont un pH de surface inférieur ou égal à 6 et ont un développement fongique plus ou moins important suite à une exposition à 30 °C et 90 %HR pendant trois mois. Un autre indicateur important est la composition chimique des échantillons. En effet, la formulation C3 contient de la paraffine afin d'augmenter sa résistance à l'eau. Ainsi, la teneur en eau des échantillons C3 est inférieure à celle des autres échantillons, ce qui entraîne une cinétique de la croissance des moisissures sur sa surface exposée moins rapide.

Remerciements

Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne en vertu de la convention de subvention n°636835. Merci à Tony Hautecoeur pour sa participation à la réalisation de ces travaux.

Nomenclature

DIC

Digital Image Correlation

MBV

Moisture Buffer Value

AR

ER

LM

PB

ERH

Aspergillus Ruber

Eurotium Rubrum

Leptosphaeria maculans

Penicillium brevicompactum

Equilibrum Relative Humidity

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